La plateforme Phénotypage cellulaire et tissulaire : décoder les cellules
Au cœur de l’Institut de la Vision, la plateforme Phénotypage cellulaire et tissulaire permet une exploration fine des cellules, de leur surface à leur génome. Elle joue un rôle essentiel dans de nombreux projets, en apportant des outils de pointe et un accompagnement sur mesure aux chercheurs. Derrière cette dynamique, trois visages : Luisa Riancho, Sébastien Augustin et Frédéric Blond. Tous trois nous racontent leur quotidien, entre passion pour la science, rigueur technique et envie de transmettre.

« La plateforme s’est construite en répondant aux questions biologiques des chercheurs par un continuum d’expertises et de technologies complémentaires. Notre mission est de leur apporter des solutions. »
Faire vivre une plateforme technologique requiert un ensemble de compétences très variées. Au-delà de l’expertise technique, la communication et le management sont essentiels pour accompagner les chercheurs dans leurs projets.
Membre de l’équipe du Pr Baudouin depuis 2003, Luisa Riancho a rejoint l’Institut de la Vision dès son ouverture en 2008 avec cette même équipe, poursuivant tout au long de cette période ses travaux en cytométrie en flux. Cette technique permet d’analyser et de trier rapidement les cellules en fonction de leurs caractéristiques physiques (comme la taille et la granularité) et biologiques (comme la présence de marqueurs spécifiques). Appliquant d’abord son savoir-faire aux besoins de son équipe travaillant sur la pathophysiologie du segment antérieur de l’œil, Luisa a été de plus en plus sollicitée par d’autres équipes de recherche de l’Institut. Ces collaborations donneront naissance à la Plateforme Phénotypage cellulaire et tissulaire en 2011, dont Luisa a été nommée la responsable opérationnelle.

Elle consacre ainsi une partie de son temps au développement technologique de la plateforme : c’est elle qui a accompagné l’achat de nouveau matériel, pour augmenter les capacités en cytométrie de la plateforme jusqu’à l’arrivée de la technologie de Single Cell. La valorisation et la promotion de ces technologies sont également un volet important des missions de Luisa, qui organise des séminaires techniques réguliers pour former les chercheurs. Toujours spécialiste en cytométrie, Luisa cherche à mutualiser les connaissances au sein de l’Institut de la Vision pour renforcer les capacités de la plateforme et faire connaître ses applications, pour aller toujours plus loin dans la compréhension des mécanismes biologiques fondamentaux et ouvrir la voie à l’innovation.

« Chaque projet présente des spécificités et les contraintes techniques varient beaucoup. Il faut savoir s’adapter et optimiser chaque étape. »
La technologie Single Cell Rna Seq, permettant l’analyse de l’information génomique à l’échelle cellulaire, requiert l’utilisation de machines complexes, exigeantes et coûteuses, qui nécessitent une expertise technique.
Travaillant à l’Institut de la Vision depuis 2008, Sébastien a accompagné l’intégration de la technologie au sein de la plateforme Phénotypage cellulaire et tissulaire, dont il maîtrise aujourd’hui toutes les subtilités. En fonction de la question scientifique des chercheurs, Sébastien les accompagne pour optimiser le procédé et garantir la qualité des résultats.

Tout commence par la préparation des échantillons. La première étape essentielle en Single Cell Rna Seq consiste à obtenir une suspension cellulaire de bonne qualité. Cette étape est cruciale car elle conditionne la fiabilité des résultats. Et même si des techniques sont à la disposition de chacun pour automatiser cette tâche, Sébastien préfère se reposer sur son expérience pour évaluer sous microscope la qualité de la suspension et s’assurer de la concentration cellulaire dans la quasi-totalité des échantillons qui lui sont confiés ou qu’il a lui-même obtenu.
En quelques minutes, les cellules isolées sont chargées dans un système de microfluidique, où elles circulent une à une dans des micro-canaux. Chacune est alors encapsulée dans une minuscule gouttelette d’huile contenant les réactifs nécessaires aux étapes suivantes de biologie moléculaire. Chaque cellule, ainsi que son matériel génétique, est marquée, ce qui permet de les identifier individuellement et d’associer précisément chaque transcrit séquencé à son origine.
Pour Sébastien, tout l’enjeu de son travail est de rendre accessible la technologie à tous les types de projets.

« Il est très stimulant d’apprendre en continu, de découvrir de nouvelles méthodes et outils, de les intégrer à la plateforme puis de les corriger, de les polir. »
Pour explorer les données où se cachent les découvertes de demain, il faut des outils performants ; il revient au bio-informaticien de les développer et de les mettre à la disposition des chercheurs.
Frédéric a rejoint l’Institut de la Vision début 2012 pour administrer des bases de données au sein de l’équipe de Thierry Léveillard, où il s’est formé à la transcriptomique (expression des gènes dans les cellules) en travaillant sur les mécanismes de la survie des photorécepteurs. Continuant dans cette voie, il intègre en 2021 la plateforme où il gère aujourd’hui les analyses de séquençage de l’ARN, mais s’attelle aussi à répondre aux besoins des scientifiques en matière d’outils, de formation et de communication de leurs résultats.
Le rôle premier de Frédéric consiste à classer les cellules suivant les gènes qu’elles expriment, puis de trouver comment l’évolution, la pathologie ou le traitement ont changé ces profils de gènes dans chaque famille de cellules. Pour cela, Frédéric doit plonger dans le code informatique des machines et de leurs algorithmes pour s’assurer que l’analyse de l’échantillon se déroule bien, malgré les mises à jour intempestives. Ensuite, il construit à partir des données récoltées des modèles exploitables par les chercheurs, une tâche qui peut prendre des semaines. Frédéric pousse ses ordinateurs jusqu’aux limites de leurs capacités, et assure une veille technologique pour maintenir les outils de la plateforme performants face aux nouveautés car la bio-informatique est un domaine en perpétuelle évolution. Un autre souci est la gestion du matériel : avec l’explosion de l’espace disque nécessaire pour les analyses, il est vital de s’assurer d’avoir suffisamment de place pour tout stocker. Cette problématique se fait d’autant plus pressante avec l’arrivée de la transcriptomique spatiale au sein de la plateforme, qui mobilise énormément de stockages. Un nouveau défi technique en perspective pour Frédéric, qui s’en réjouit d’avance.
