La dynamique translationnelle pour transformer la découverte en solution médicale
3 questions à…

— Quelle est la démarche translationnelle portée par l’Institut de la Vision ?
Isabelle Audo : À l’Institut de la Vision, l’objectif a toujours été de développer, grâce à la recherche fondamentale, des idées innovantes qui pourront faire l’objet d’une création de start-up afin de porter l’innovation vers l’application clinique à l’image de l’essai thérapeutique PRODYGY. Ces idées naissent et circulent librement au sein de l’institut et de son écosystème, dans une dynamique très humaine. Nous nous connaissons tous et savons quelles expertises se retrouvent au sein des équipes ; il suffit à un chercheur de pousser la porte d’un autre pour entamer une collaboration ou trouver de l’aide. Il faut que les idées issues de la recherche fondamentale puissent rencontrer le besoin médical exprimé, par les cliniciens et les patients, pour poser les bases d’une question scientifique. Nous avons la chance d’avoir à proximité de l’Institut l’hôpital des 15-20 où sont prises en charge des cohortes de patients très bien caractérisés, et surtout sensibilisés à la recherche, impatients d’être les pionniers de nouvelles stratégies thérapeutiques.
— Comment se structure la recherche translationnelle à l’Institut de la Vision ?
I.A. : Je dirais qu’il y a autant de manières de faire que d’équipes qui se lancent dans des projets translationnels. Ceux-ci viennent souvent d’un besoin clinique non couvert, auquel les chercheurs et les chercheuses appliquent leur expertise fondamentale. Par exemple Florian Sennlaub, qui a une expertise sur l’inflammation, va orienter ses travaux pour trouver des cibles moléculaires sur les cellules inflammatoires incriminées dans certaines maladies rétiniennes encore sans traitement. Les scientifiques peuvent aussi s’intéresser à des approches plus indépendantes de la cause première des maladies, comme la restauration visuelle avec les implants rétiniens ou l’optogénétique. Leur expertise fondamentale est également essentielle pour améliorer la recherche clinique, à travers le développement d’outils pour mieux comprendre les maladies ou pour mieux évaluer l’efficacité des traitements. De plus, une compétence spécifique développée par une équipe peut s’avérer être un outil essentiel et devient alors internalisée par d’autres équipes. C’est le cas avec les cellules souches pluripotentes induites, domaine d’expertise développé par le Dr Goureau et son équipe, mais maintenant utilisées par de nombreuses équipes de l’Institut comme outil essentiel de la recherche translationnelle.
— Que peut-on attendre de ces avancées ?
I.A. : Malgré de grandes révolutions, il nous reste beaucoup de choses à découvrir. Par exemple, pour environ 30 % des patients atteints d’une dystrophie rétinienne, la cause génétique reste encore inconnue mais les nouvelles techniques génomiques sont prometteuses pour résoudre ces errances diagnostiques. De plus, de grands espoirs sont placés dans la restauration visuelle, avec des techniques comme l’optogénétique ou la sonogénétique qui vont être affinées dans les années à venir grâce aux travaux des équipes de Deniz Dalkara, Serge Picaud ou encore de la physicienne Valentina Emiliani. L’interdisciplinarité est vraiment une force dans cette dynamique : nous espérons implémenter un dispositif d’amélioration de l’optogénétique dans un essai thérapeutique prochain. La recherche translationnelle est un long processus, mais notre motivation ne faiblit pas. L’essai PRODYGY en est un exemple concret, avec à la clé de 20 ans de travail à développer une approche innovante et un moment unique dans la vie d’un chercheur : l’aboutissement clinique.
« L’interdisciplinarité et la proximité sont les forces de notre dynamique. »